🩁 Qui Cabaret La Porte De La Cave 2022

// AGENDA /// ‱ SPECTACLE D'HUMOUR ‱ Qui cabaret la porte d'la cave ? OrganisĂ© par le club du FC Pays de l'Ouin, le spectacle "Qui cabaret la porte d'la cave? "Cabaret Du Donjon", se dĂ©roulera Ă  20h Ă  la salle de la Passerelle Ă  MaulĂ©on, Quicabaret la porte d'la cave est une troupe de Sigournais qui raconte sous forme humoristique le quotidien d'une bourguade bien de chez nous, autour d'un lieu bien spĂ©cifique Ă  la culture vendĂ©enne : la cave. Les organisateurs La clĂ© QuĂ©bec de Cest le seul vrai cabaret drag-queen de Paris. Il a ouvert il y a quelques semaines dans une cave du XIIIe siĂšcle. Une dĂ©couverte Ă©tonnante qui donne le sourire. Dela origine plausible une cause ce que l’on nomme du Loup daphne. On a lhypertrichoseOu qui est de attaque atavique, ! , lequel donne mise bas vers surs enfants accoutres pour bacteries Puis Notre poils navigue analogue saccentuer Avec le temps, ainsi, qui fait que divers multitude detiendront vrais bacteries , lesquels sont examiner Du21/09/2022 au 01/10/2022. Pour le festival les ZĂ©brures d’automne, des artistes venus du monde entier se donnent rendez-vous dans les salles et les rues de Limoges pour 10 jours de théùtres, de danses et de musique. La caserne Marceau sera Ă  nouveau cette annĂ©e le cƓur des ZĂ©brures d’automne. Les disciplines se croisent, se rencontrent et Ă©clairent Quicabaret la porte d'la cave? "Cabaret Du Donjon". 3,256 likes · 4 talking about this. Ce spectacle humoristique raconte , le quotidien d’une bourgade bien de chez nous. La troupe du Cabaret vous 1970 On peut considĂ©rer que la naissance des cafĂ©s théùtres est une continuitĂ© de cet univers du cabaret.. Notre Chat BarrĂ©, s’inscrit donc dans la lignĂ©e de ces mouvements artistiques majeurs qui fondent la culture populaire française. Notre cabaret champĂȘtre est une transposition contemporaine de cet esprit crĂ©atif tant sur le contenu QUICABARET LA PORTE D'LA CAVE du 23/09/2022 au 24/09/2022 de 19:30 Ă  23:30. La nuit des ChĂąteaux le 22/10/2022 de 19:00 Ă  23:00. Concours de belote de loisirs dĂ©tente le 04/11/2022 de 14:00 Ă  19:00. Repas de loisirs dĂ©tente le 25/11/2022 de 12:00 Ă  19:00. Arbre de NoĂ«l de l'Ă©cole du Donjon le 09/12/2022 Ă  19:30. MarchĂ© de NoĂ«l aiFZdSq. Joseph Fritzl est un monstre et chacun d’entre nous. IngĂ©nieur spĂ©cialisĂ© en matĂ©riaux de construction », il se rĂȘve l’inventeur d’une nouvelle race de bĂ©ton 
 lĂ©ger et robuste comme le titane » mais c’est une cave qu’il concevra, y enfermant sa fille et les enfants qu’il lui donne pendant 24 ans
 L’horreur du fait divers, affaire cruelle Ă  base de viol et d’enfants sĂ©questrĂ©s » a dĂ©frayĂ© la chronique en 2008-2009, pourtant Fritzl est un homme ordinaire, un quidam, comme le dĂ©crit un psychiatre il n’était ni schizophrĂšne, ni paranoĂŻaque, ni mĂȘme dĂ©pressif ». Un homme trĂšs banal », conclut l’expert, corroborant les autres diagnostics psychiatriques, un petit homme ennuyeux et gris qui se fondait dans la foule des braves gens et des salauds ordinaires dont chacun contribue Ă  grossir la cohorte », un patient sans Ă©paisseur, sans vie intĂ©rieure, aucun intĂ©rĂȘt ». Lorsque Jauffret, enquĂȘtant sur les lieux du crime pour prĂ©parer l’écriture de Claustria, parvient Ă  visiter la maison d’Amstetten, mĂȘme dĂ©cevante impression que l’endroit ne dĂ©gageait aucun parfum d’angoisse ou de mystĂšre, juste l’ennui montant du sol avec la verdure mĂ©lancolique sous le ciel grisĂątre comme un coup de crayon ». La victime, la fille de Fritzl, est tout aussi banale on la prendrait pour n’importe qui. Personne ne la regarde ». La cave elle-mĂȘme, espace de l’horreur absolue, est la rĂ©plique d’une vie tout ce qu’il y a de plus quotidienne, les mĂȘmes soucis, les mĂȘmes espĂ©rances que celles d’une famille au petit appartement encastrĂ© dans un immeuble, une tour, une maison dans la campagne. AprĂšs tout, la cave mesurait cinquante-cinq mĂštres carrĂ©s ». L’affaire va faire les gros titres de la presse internationale, les tĂ©lĂ©visions du monde entier couvrent l’évĂ©nement, l’inceste de cet homme sur sa fille dĂšs ses 13 ans, un cadavre d’enfant brĂ»lĂ©, les multiples grossesses incestueuses, la construction de la cave pour abriter ses amours coupables, plus tous les viols et meurtres que suppose un avocat, accusations que relaie l’écrivain, les exactions quotidiennes. La banalitĂ© de la criminalitĂ©, c’est aussi une rĂ©gion d’Autriche que RĂ©gis Jauffret dĂ©crit comme arriĂ©rĂ©e — on y bat couramment femme et enfants, on donne aux porcs les cadavres d’enfants Ă©touffĂ©s dans leur berceau — et soumise Ă  la loi du silence. La femme de Fritzl n’a rien entendu, rien vu et rien voulu comprendre, tous vivent dans une sorte de rĂ©alitĂ© alternative, se racontant des histoires pour tenter de doubler le rĂ©el, le filouter ». Et la maison de l’ogre n’est que cet atroce Ă©chantillon de l’indiffĂ©rence universelle ». C’est ce mĂ©lange de monstruositĂ© et de banalitĂ©, la structure mĂȘme du fait divers pour Barthes, qui le rend insupportable. Il dĂ©fie les lignes de partage ordinaires Fritzl aimait sans doute ses enfants il ne cesse de le dire, leur faisait des cadeaux, fĂȘtait PĂąques avec eux, NoĂ«l, les anniversaires. Roman, le dernier enfant de l’inceste, pense avec nostalgie Ă  sa prison et il aime son pĂšre. Angelika elle-mĂȘme aurait aimĂ© conserver la cave d’Amstetten » comme une sorte de rĂ©sidence secondaire, un espace privĂ© oĂč elle pourrait retrouver ces vingt-quatre annĂ©es oĂč du fond de l’horreur elle avait si souvent connu la joie ». 24 ans dans une cave, huit mille cinq cent seize, le nombre de jours » J’arrive Ă  m’imaginer assassinĂ©, mutilĂ©, torturĂ©. Je n’arrive pas Ă  l’imaginer vingt-quatre annĂ©es dans un trou. Essayez, vous n’y arriverez pas non plus. Vous parviendrez Ă  une semaine, peut-ĂȘtre Ă  quatre. La nuit suivante vous aurez peur de vous endormir. RĂ©gis Jauffret, Claustria p. 72 En 1830, Julien Sorel constatait depuis sa cellule que le verbe guillotiner ne peut se conjuguer Ă  tous les temps. En 2012, dans Claustria, roman directement inspirĂ© de l’affaire Fritzl, RĂ©gis Jauffret se demande comment reprĂ©senter une durĂ©e non reprĂ©sentable J’arrive Ă  m’imaginer assassinĂ©, mutilĂ©, torturĂ©. Je n’arrive pas Ă  l’imaginer vingt-quatre annĂ©es dans un trou », chiffre en toutes lettres pour mieux le dĂ©ployer, trou » dans un espace/temps, chiffre inhumain et qui en redouble d’autres puisqu’avant d’enterrer sa fille dans une cave, avec trois de leurs enfants et de brĂ»ler le cadavre d’un quatriĂšme, Fritzl avait sĂ©questrĂ© sa mĂšre durant 21 ans, selon un mode opĂ©ratoire qui rappelle celui de La sĂ©questrĂ©e de Poitiers fait divers rĂ©el, mis en rĂ©cit par Gide sous les combles dont il avait murĂ© la fenĂȘtre avec des parpaings. Il n’ouvrait la porte que trois fois par semaine, remplissant de soupe et de pain dur la bassine qui lui servait d’auge. Il avait installĂ© des toilettes au milieu de la piĂšce pour s’éviter la corvĂ©e d’évacuer ses excrĂ©ments ». Le premier chiffre du rĂ©cit, 24, celui des annĂ©es de claustration dans la cave, est dĂ©jĂ  un palimpseste, renvoyant autant Ă  une histoire privĂ©e un autre crime de Fritz qu’à une histoire du fait divers, elle-mĂȘme judiciaire et littĂ©raire Gide, voire Stendhal, en une sĂ©rie expansive. L’enjeu de la fictionnalisation de ce fait divers pour RĂ©gis Jauffret est bien de croiser temps et rĂ©cit, pour reprendre la formule de Ricoeur, de faire d’une durĂ©e non reprĂ©sentable les temps du roman, de le dĂ©figurer pour que le lecteur puisse non seulement se le reprĂ©senter mais le vivre, dans la contraction que mĂ©taphorise le titre, dans l’épaisseur Ă©touffante et insoutenable qu’il signifie, dans l’impensable que tente de traduire son nĂ©ologisme. Il faut Ă©crire pour que le lecteur imagine, non pas abstraitement mais dans l’expĂ©rience que sera sa lecture, maniĂšre de remotiver, aussi, ce rapport du rĂ©el et de la fiction le fait divers rĂ©el, une fois ressaisi par la fiction, peut redevenir expĂ©rience. Si le temps est gĂ©nĂ©ralement reprĂ©sentĂ© par une clepsydre ou un sablier, il est ici boĂźte de Pandore ou, dans la mĂ©tamorphose triviale du mythe qu’opĂšre systĂ©matiquement Jauffret dans Claustria, coffre Ă  jouets », premier titre envisagĂ© pour le roman comme il le confie Ă  Vincent Josse dans son Atelier sur France Inter, demeurant comme trace et archive dans le rĂ©cit la cave est, pour Fritzl, un coffre Ă  jouets », sa fille un jouet ». Une cave comme un coffre Ă  jouets. La grande poupĂ©e magique jetĂ©e dedans Ă  l’origine qui avait sorti de son ventre des marionnettes extraordinaires qui grossissent comme de vrais enfants quand on leur met de la nourriture dans la bouche ». De la cave dĂ©couverte s’échappent les maux, le non reprĂ©sentable et pourtant advenu huit mille cinq cent seize, le nombre de jours qu’avait passĂ© Angelika dans la cave ». Une structure en spirale le temps out of joint La structure du roman illustre combien durĂ©e et temps Ă©chappent d’abord au rĂ©cit. On peut lire Claustria en lui supposant quatre parties. La premiĂšre se situe aujourd’hui » et superpose le fait divers et l’enquĂȘte que mĂšne RĂ©gis Jauffret qui se dĂ©place en Autriche, rencontre des experts, suit le procĂšs et nous fait entrer dans l’espace clos de la cellule de Fritzl, transcrivant ses rencontres avec son avocat. La condamnation est Ă©noncĂ©e sĂšchement, perpĂ©tuitĂ© un verdict humiliant pour Gretel, mais que Fritzl avait reçu avec indiffĂ©rence ». A la fin de ce premier acte, fin septembre », policiers et magistrats sont descendus dans la cave avec Fritzl, pour une reconstitution du crime de quelques minutes, une version concentrĂ©e des 24 annĂ©es de rĂ©clusion, une avalanche de chiffres la reconstitution a durĂ© quarante minutes » selon le procĂšs verbal, les sbires » ont oubliĂ© le code mais Fritzl s’en souvient trĂšs bien, ce sont les chiffres que les nazis avaient tatouĂ©s sur le bras de ma mĂšre Ă  Mauthausen ». Jauffret dit l’étrange et Ă©pouvantable odeur », les personnes prĂ©sentes qui vomissent. Cet espace lieu et temps est l’épicentre du roman, longtemps Ă©vitĂ©, son labyrinthe ». La difficultĂ©, c’était d’arriver au point oĂč l’on se trouve sur la durĂ©e dans la cave », a confirmĂ© RĂ©gis Jauffret dans un entretien aux Inrockuptibles. Pourtant il faudra y descendre. La deuxiĂšme partie du roman est justement focalisĂ©e sur la cave. L’écrivain revient sur les circonstances de sa construction, en 1898. En 1971, Fritzl, par ailleurs ingĂ©nieur, a enfermĂ© ce capharnaĂŒm dans une carapace de bĂ©ton ». C’est par l’architecture que pourra se dire le temps le lieu explique que la cave n’ait pas Ă©tĂ© dĂ©couverte pendant 24 ans. Jauffret raconte l’amĂ©nagement de la cave par le pĂšre, sa propre visite des lieux, l’épreuve, terrible vertiges, vomissements, de la descente dans l’épicentre, le peuple de rats, la fuite. Dans le rĂ©cit du calvaire des victimes, c’est la premiĂšre sortie de la cave, Petra Ă  l’agonie conduite Ă  l’hĂŽpital par son grand-pĂšre et pĂšre — son pĂšre papi » — qui ment sur sa maladie et sera finalement rattrapĂ©, les policiers ne gob pas sa fable. C’est le dĂ©but de l’affaire Fritzl, les interrogatoires, les journalistes faisant le siĂšge de l’hĂŽpital et Fritzl frissonnant d’aise de se sentir cĂ©lĂšbre, une sorte d’euphorie qui montait en lui comme un stupĂ©fiant » tant il est fier d’étaler publiquement sa virilitĂ© d’étalon ». La troisiĂšme partie est centrĂ©e sur la descente d’Angelika dans l’enfer de la cave » au sens mĂ©taphorique du terme, l’inceste. C’est d’abord la vie de la jeune femme avant, les parenthĂšses enchantĂ©es, sa dĂ©couverte de l’amour, avec Hans puis Thomas, tandis que Fritzl veille, guette, alterne coups, viols et paroles apaisantes, tout en construisant la cave, son idĂ©e fixe et obsession. Il attendait son heure ». Il enferme sa fille le jour oĂč elle devient majeure et pourrait donc lĂ©galement lui Ă©chapper. Jauffret raconte comment la mĂšre a aidĂ© Fritzl Ă  descendre sa fille Ă  la cave un Ă©pisode escamotĂ©. Par orgueil, Fritzl avait prĂ©fĂ©rĂ© dire aux flics qu’il avait agi seul ». C’est le dĂ©but des mensonges pour cacher oĂč se trouve rĂ©ellement Angelika la vĂ©ritĂ© officielle est qu’elle est partie Ă  Vienne faire la putain ». De fait, elle est enchaĂźnĂ©e dans la cave. Parce que la chaĂźne nous gĂȘnait pour nos Ă©bats sexuels », Fritzl enlĂšve la chaĂźne autour du cou de sa fille et Jauffret raconte comment Angelika s’habitue Ă  vivre courbĂ©e, dans l’obscuritĂ© le plus souvent, avec l’obsession de s’évader, une forme de vie parallĂšle » d’abord rĂȘve puis hallucination et menace de la folie. Il narre les tentatives d’évasion, formes de suicide. Mais Fritzl veille et punit il lui casse les dents, la ligote, lui fait connaĂźtre la faim, la laisse dans le noir. Le temps n’est alors plus rythmĂ© que par les naissances en 1986, une fausse couche, le fƓtus enterrĂ© dans une boĂźte Ă  chaussures dans le jardin, comme un chat entre deux cyprĂšs », Petra en 1989, Martin en 1990, Sophie en 1991 elle vivra en haut, Sabine en mars 1994. Puis les jumeaux en 1995, Stanislas et Julius Stanislas ne survit pas. Enfin Roman, l’enfant prĂ©fĂ©rĂ© de Fritzl, le plus beau, qui en fait un pĂšre content de lui, un grand-pĂšre Ă©namourĂ© ». Roman sera l’hĂ©ritier, le nouveau souverain du royaume souterrain ». Le rĂ©cit suit les jours sans durĂ©e fixe, l’alternance de privations et de visites, les enfants qui grandissent et commencent Ă  poser des questions, Angelika qui devient folle, les enfants droguĂ©s au sirop. Fritzl affame puis surgit, deus ex machina, maniĂšre de faire croire que comme toujours, il leur sauvait la vie ». A la fin de cette partie, le temps s’accĂ©lĂšre Angelika tente une dĂ©nonciation en appelant la police. Elle a droguĂ© son pĂšre au ThrĂ©ralĂšne, pris son tĂ©lĂ©phone portable, tente de joindre le commissariat puis les pompiers. Seul rĂ©sultat des coups, un mois dans l’obscuritĂ©, l’entrĂ©e de la cave dĂ©sormais protĂ©gĂ©e par un code. La quatriĂšme et derniĂšre partie n’est pas une clĂŽture, comme Angelika, elle ne connaissait pas la fin ». Fritzl, avec la naissance de Roman, a cru connaĂźtre une pĂ©riode de bonheur absolu », il veut bĂątir un empire », familial et immobilier, faire de Roman un ingĂ©nieur comme lui et le dauphin sur son trĂŽne » — c’est, de fait, le dĂ©clin l’immobilier autrichien a commencĂ© Ă  battre de l’aile Ă  l’automne 2007, il a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© sept mois plus tard ». Fritzl les dĂ©laisse, Angelika doit rationner la nourriture, c’est la grande famine de l’étĂ© 2004 » Ă©voquĂ©e au dĂ©but du roman. Elle craint la disparition de son pĂšre qui condamnerait Ă  mort le peuple de la cave. Le roman se referme comme un cercle vicieux, jusqu’à la tautologie Jauffret focalise le roman sur Roman — et c’est avec ce personnage qu’il s’ouvrait. AprĂšs deux dĂ©cennies de claustration, le retour Ă  l’air libre semblait proche ». Le temps s’étire encore Fritzl annonce la sortie pour NoĂ«l puis la retarde au printemps. Mais le rĂ©cit est si Ă©pais, si violent que le lecteur a le sentiment que l’air libre ne reviendra jamais. Et Petra tombe malade, en mars 2008 le lecteur le sait depuis la partie II. Le rĂ©cit suit son agonie souterraine, Fritzl refuse tout mĂ©dicament, Angelika tente l’impossible, elle reprend son cahier, elle modifiait la rĂ©alitĂ© en la racontant. Le verbe a bien créé le monde ». Puis Fritzl cĂšde, imagine une fin alternative Petra soignĂ©e, Angelika et les enfants de retour en haut. Puis c’est l’appel du mĂ©decin-chef de l’hĂŽpital qui veut rencontrer la mĂšre de Petra, Fritzl qui coupe eau et Ă©lectricitĂ©, condamne la cave Ă  la mort, la sortie et une civilisation en voie d’écroulement », Fritzl dictateur sur le dĂ©clin dont le trĂŽne est dĂ©jĂ  tombĂ© Ă  la renverse. Les portes grandes ouvertes comme des douanes abandonnĂ©es » et la remontĂ©e. Le roman ne se termine pas, sa fin est son dĂ©but. La structure du roman est donc celle d’un rĂ©cit non linĂ©aire, fragmentĂ©, chaotique, procĂ©dant par réécritures, excavations, hypothĂšses et rĂ©cits alternatifs ceux d’Angelika dans son cahier, les mensonges qu’échafaude Fritzl pour justifier le retour du peuple de la cave Ă  l’air libre sa fille enfin libĂ©rĂ©e d’une secte
. Les Ă©pisodes les plus insoutenables sont racontĂ©s plusieurs fois, soumis Ă  des narrations de longueurs variables, construisant un suspens fait d’analepses et prolepses pour tenter de saisir une durĂ©e impossible. Police, justice et mĂ©dias en procĂšs Car ce temps a Ă©chappĂ© aux instances du rĂ©el supposĂ©es le maĂźtriser, la police, la justice et les mĂ©dias. Aucun de ces discours portĂ©s sur le fait divers ne peut en rendre la structure. RĂ©gis Jauffret critique un systĂšme qui loin de chercher des coupables, de les condamner justement ou de tenter de rĂ©parer les fautes est une ample machine arbitraire, absurde et elle-mĂȘme coupable, une parodie » dans laquelle chacun veut jouer le premier rĂŽle, au point qu’Angelika est starifiĂ©e , passant de la sĂ©questration Ă  la surexposition qui ulcĂšre l’avocat de Fritzl, il l’imagine exiger de filmer son tĂ©moignage Ă  Hollywood, avec George Clooney dans le rĂŽle du juge d’instruction, robe de grand couturier, bijoux prĂȘtĂ©s par Tiffany, dents flambant neuves, lĂšvres gonflĂ©es de silicone, texte Ă©crit par un de nos plus fameux scĂ©naristes rĂ©pĂ©tĂ© pendant des semaines avec un coach, et ne doutons pas qu’elle versera moult larmes pour Ă©mouvoir les membres du jury. 
 Fritzl riait sans bruit, les yeux Ă©tincelants de fiertĂ© ». Le rĂ©el n’existe pas, il n’est plus qu’hypostases, rĂ©cits seconds, ample systĂšme de reprĂ©sentations s’auto-engendrant dans le fantasme amer de l’avocat, non par dĂ©ontologie ou sens moral mais parce que la victime lui vole la vedette. Le fait divers est divertissement et rĂ©crĂ©ation, continuum de signes et de messages qui s’équivalent, medium is message, une confusion dont le discours de l’avocat est l’icĂŽne, analogon de la SociĂ©tĂ© de consommation totalitaire telle que Baudrillard l’a dĂ©cryptĂ©e en 1970 La vĂ©ritĂ© des mĂ©dias de masse est donc celle-ci ils ont pour fonction de neutraliser le caractĂšre vĂ©cu, unique, Ă©vĂ©nementiel du monde, pour substituer un univers multiple de media homogĂšnes les uns aux autres en tant que tels, se signifiant l’un l’autre et renvoyant les uns aux autres. A la limite, ils deviennent le contenu rĂ©ciproque les uns des autres ». Et l’on sait la place qu’occupe le fait divers dans ce totalitarisme Ce qui caractĂ©rise la sociĂ©tĂ© de consommation, c’est l’universalitĂ© du fait divers dans la communication de masse. Toute l’information politique, historique, culturelle est reçue sous la mĂȘme forme, Ă  la fois anodine et miraculeuse, du fait divers. Elle est tout entiĂšre actualisĂ©e, c’est Ă  dire dramatisĂ©e sur le mode spectaculaire — et tout entiĂšre inactualisĂ©e, c’est Ă  dire distanciĂ©e par le medium de la communication et rĂ©duite Ă  des signes. Le fait divers n’est donc pas une catĂ©gorie parmi d’autres mais la catĂ©gorie cardinale de notre pensĂ©e magique, de notre mythologie. » Et c’est ce systĂšme qu’illustre la reprĂ©sentation de la police, de la justice et des mĂ©dias dans le roman de Jauffret, il jouent du vertige d’une prĂ©sence totale Ă  l’évĂ©nement », ne sont pas la rĂ©alitĂ© mais le vertige de la rĂ©alitĂ© ». Durant l’enquĂȘte de police, des preuves ont Ă©tĂ© maquillĂ©es ou abandonnĂ©es, des expertises non retenues, des culpabilitĂ©s Ă©vacuĂ©es comme celle de la mĂšre, des questions non posĂ©es celles du viol de ses petits-enfants par Fritzl. Comme le dit cyniquement l’avocat de Fritzl, c’est une affaire typiquement autrichienne que nous devrions rĂ©gler en famille afin de rendre au plus vite leur pĂšre Ă  ces enfants dĂ©jĂ  assez dĂ©sorientĂ©s par leur soudain dĂ©barquement dans la communautĂ© humaine. La cave Ă©tait un cocon ». LĂ  encore, toutes les strates du discours et les signes se superposent en recourant Ă  la reprĂ©sentation du monde de Fritz pour dire le monde. L’important n’est pas ce qui est juste mais l’image transmise via les Ă©crans de tĂ©lĂ©vision il faut montrer Ă  la face du monde la dĂ©termination de l’Autriche d’inciser Ă  vif ce bubon sous la loupe du tribunal et d’en exprimer jusqu’à la derniĂšre cuillerĂ©e de pus », en finir avec l’image d’un pays que les tabloĂŻds dĂ©signent comme cultivant le nazisme dans son sous-sol ». Il faut en urgence rĂ©unir la fine fleur des juristes autrichiens avec pour mission de dĂ©couvrir dans le code un dĂ©lit susceptible d’aggraver la peine de Fritzl ». En effet, les peines prĂ©vues par la justice autrichienne sont dĂ©risoires chez nous l’inceste est une peccadille. Vous risquez trois ans de prison, et encore avec un trĂšs mauvais avocat ». Le MinistĂšre de la Justice pense Ă  une inculpation pour esclavagisme, finira par dĂ©cider d’inculper Fritzl pour assassinat de l’un des jumeaux, dĂ©cĂ©dĂ© de mort naturelle pourtant, mais Frizl a brĂ»lĂ© le cadavre, passĂ© la mort sous silence et c’est le seul moyen de le condamner Ă  perpĂ©tuitĂ©. Le procĂšs est une parodie, l’avocat de Fritzl un acteur ratĂ©, ancien reprĂ©sentant en baignoires et en ballons d’eau chaude » dont l’heure de gloire fut l’acquittement de nĂ©onazis et qui n’accepte de dĂ©fendre l’ogre » que pour la gloire que cette affaire lui apportera. Il est fascinĂ© par les objectifs », il aimait son sourire, et ses petites mains manucurĂ©es qu’il voyait Ă©voluer avec grĂące devant lui dans l’air frais », obsĂ©dĂ© par son image sur les Ă©crans de tĂ©lé  Pour maĂźtre Gretel, Joseph Fritzl n’est jamais qu’un pĂšre original », un ĂȘtre gĂ©nĂ©reux » qui a pris la peine de faire six enfants Ă  sa fille. Les dĂ©bauchĂ©s sont-ils jamais prĂ©occupĂ©s de faire des enfants aux putains ? ». L’avocat n’a aucune morale, seule compte sa notoriĂ©tĂ© sa premiĂšre interview, il la donne Ă  CNN. Il transforme Fritzl en bon pĂšre de famille qui a protĂ©gĂ© sa fille, l’a rendue mĂšre pour son Ă©panouissement », il en fait mĂȘme une criminelle potentielle et une hystĂ©rique, Ă©prouvant une vĂ©ritable passion pour son pĂšre dont elle a recherchĂ© jusqu’au bout les Ă©treintes sans le moindre Ă©gard pour son Ăąge avancĂ© ». Ce faisant, l’avocat fait passer la victime pour un bourreau et dĂ©voie jusqu’au discours juridique on pourrait plus lĂ©gitimement vous traiter de papa gĂąteau que de pĂšre Fouettard ». Sa plaidoirie est un discours d’histrion — et il est effectivement un acteur ratĂ© », une carriĂšre qui s’est refusĂ©e Ă  lui —, il parade devant les journalistes, il a furtivement posĂ© la main sur son cƓur, comme un comĂ©dien remercie le public Ă  la fin de sa reprĂ©sentation ». Il soigne son costume, ses gestes et ne dĂ©teste pas susciter l’exĂ©cration, les comĂ©diens ne craignent que l’indiffĂ©rence et l’oubli ». RĂ©gis Jauffret joue de la polysĂ©mie du mot rĂŽle », utilisĂ© dans son sens d’action comme de masque de théùtre — Mon rĂŽle est de dĂ©fendre mon client », dans des pages entiĂšrement prise par le rĂ©seau lexical de la comĂ©die et de l’histrionisme — et rĂ©ussira d’ailleurs, note Jauffret, Ă  donner au tribunal un air de cabaret Ă  force de plaisanteries ». Le seul investissement de maĂźtre Gretel dans l’affaire consiste Ă  inverser l’ordre des choses et des valeurs transformer l’échec de sa carriĂšre de comĂ©dien en triomphe judiciaire, le bourreau en victime, la cave en lieu de paix et de civilisation prĂ©servĂ©e
 Seule compte la glorieuse Ă©popĂ©e dont il Ă©tait dĂ©sormais l’un des hĂ©ros » 91 dont il entreprend d’écrire le journal et il songe mĂȘme Ă  publier une anthologie des derniĂšres plaisanteries et bons mots de suppliciĂ©s de l’AntiquitĂ© Ă  nos jours, comme un retour Ă  un Ăąge d’or, le bon temps de la peine de mort ». Le duo avocat/ accusĂ© est tragiquement comique les deux sont obsĂ©dĂ©s par le pĂ©nis, les mĂ©taphores sexuelles, la dĂ©testation des femmes. Le discours que tient Gretel pour reconquĂ©rir son client pourrait ĂȘtre celui tenu par Fritzl, doubles l’un de l’autre au point que Fritzl et Gretel s’envient, Fritzl jaloux de ne pas avoir Ă©tĂ© interviewĂ© » Ă  la place de son avocat lui-mĂȘme acteur jaloux qui craignait de ne jouer en dĂ©finitive qu’un second rĂŽle dans cette parodie judicaire ». Mais pour l’avocat cette complicitĂ© est la clĂ© pour gagner un procĂšs d’assises AccusĂ© et plaideur doivent former un duo, comme au cirque l’auguste et le clown blanc », il faut amuser la galerie, dĂ©tendre les jurĂ©s, bouleverser, certes, mais aussi faire rire
 Il n’y a donc aucune hiĂ©rarchisation des discours, policiers ou judiciaires, tout est l’envers parodique et trivial d’un endroit qui, dĂ©jĂ , est dans la caricature, autre registre du monstrueux. C’est au discours romanesque qu’il revient de combler l’enquĂȘte bĂąclĂ©e par la police. Jauffret reprend le tĂ©moignage d’un avocat affirmant que Fritzl serait un criminel en sĂ©rie viols et meurtres. Ce dernier est tombĂ© sur une preuve oubliĂ©e par les enquĂȘteurs, une chemise cartonnĂ©e ». Il a fait des photos avant de la brĂ»ler, les montre Ă  l’écrivain. Fritzl collectionnait des coupures de journaux Ă  propos de jeunes femmes violĂ©es et assassinĂ©es. Or il se trouvait chaque fois sur les lieux et les jeunes filles ressemblaient toutes Ă  Angelika. Mais la police enterre le dossier. Peu aprĂšs ces rĂ©vĂ©lations, l’avocat meurt dans un accident de voiture et son tĂ©lĂ©phone portable, contenant les documents, est saisi par un inspecteur venu tout exprĂšs de Vienne ». Cet avocat, contrepoint du carnaval de justice offert par le procĂšs, Ă©voque aussi le fĂ©tichisme de l’horreur les gens qui visitent la maison de l’ogre mise en vente non pour l’acheter mais rĂ©cupĂ©rer des objets ayant appartenu au criminel, ses casquettes, en particulier, les types devaient s’imaginer qu’il transpirait sa pensĂ©e et ses souvenirs et qu’ils n’auraient plus qu’à les mettre Ă  tremper dans une bassine pour en tirer un diaporama ou un film d’horreur » 159, et pourquoi pas des fromages affinĂ©s dans la cave avec la photo du vieux sur l’étiquette. D’ailleurs, je me demande s’il n’existe pas dĂ©jĂ  des tee-shirts Ă  l’effigie de ce con. A moins que ce soient des chaussettes, des caleçons, des assiettes ? ou une eau de toilette ? Un truc bien puant dont s’aspergeraient les dĂ©traquĂ©s avant de se branler devant les photos du souterrain » 159. Fritzl aurait aimĂ© ouvrir une boutique et des petites caves Ă  son effigies », il a tentĂ© de vendre ses procĂšs-verbaux d’audition Ă  un tabloĂŻd », des nuitĂ©es dans cette baraque sur eBay », etc. Quant aux mĂ©dias, dĂšs la page 12 du roman, ils ont envahi la petite ville pour transmettre jusqu’en Chine et en Australie des images de la maison de l’ogre ». L’actualitĂ© se fait dans l’immĂ©diatetĂ©, au jour le jour, sans recul, prioritĂ© au direct et aux rĂ©actions Ă  chaud. RĂ©gis Jauffret dĂ©crit le troupeau cosmopolite d’envoyĂ©s spĂ©ciaux ingĂ©rables, fureteurs, dĂ©sƓuvrĂ©s » qui se prĂ©cipitaient chaque jour Ă  la confĂ©rence de presse oĂč policiers et magistrats les inondaient de nouvelles pour Ă©tancher leur soif de bestiaux dĂ©shydratĂ©s d’avoir pissĂ© trop vite celles de la veille. Une vapeur dont les antennes satellites saturaient la stratosphĂšre sans discontinuer ». A l’animalisation et la bestialitĂ© s’ajoute la mĂ©taphore filĂ©e de l’eau — inonder, Ă©tancher, soif, dĂ©shydratĂ©s, pissĂ©, vapeur — suggĂšre ironiquement l’expression lexicalisĂ©e pisse-copie » sans qu’elle soit employĂ©e. L’information passe directement de la source aux diffĂ©rents journaux, sans vĂ©rification, dictĂ©e en confĂ©rence de presse, par les policiers et magistrats » en tandem indissociable et immĂ©diatement diffusĂ©e via les satellites ; ce sont des informations uniformes, quel que soit le pays dans lesquelles elles sont diffusĂ©es, formatĂ©es pour ĂȘtre cosmopolites » et Ă  destination de la stratosphĂšre ». A cette dictĂ©e de la justice et de la police, s’ajoute une instance supĂ©rieure, Angelika qui a dirigĂ© l’Autriche pendant presque une annĂ©e. La parole de la martyre Ă©tait aussi sacrĂ©e que les sourates du Coran. Depuis son cockpit de l’hĂŽpital, elle pilotait satellites et rotatives de la planĂšte » 22, imposant sa vĂ©ritĂ©. Dans ce discours mĂ©diatique qui n’est que parole » et dictĂ©e, aucun temps n’est ici dĂ©ployĂ©, tout est immĂ©diatetĂ© et superpositions informes, sans espace pour le recul, la rĂ©flexion ou le recoupement de l’information, le seul but est d’offrir des articles et sujets immĂ©diatement consommables, stupĂ©fiants, exclusifs. D’ailleurs, des annĂ©es plus tard, quand la maison de l’ogre est dĂ©truite, mĂȘme si le vieux maire avait pris la peine d’annoncer l’évĂ©nement aux agences de presse », on ne voit aucun objectif pour immortaliser la scĂšne ». Les journalistes s’intĂ©ressent au pendant, jamais ou trop peu Ă  l’aprĂšs. Seule compte l’actualitĂ©, unique temporalitĂ© de cette information qui finit par oublier les histoires », seul compte le miroir tendu au narcissisme pervers du public, de l’avocat ou de Fritzl qui passe le plus clair de son temps » Ă  zapper sur les chaĂźnes satellite Ă  chercher son portrait », archive les articles qui paraissent sur lui, rĂȘve de donner des interviews et dĂ©clare hautement ĂȘtre une star internationale ». La vĂ©ritĂ© alternative de la trilogie perverse dĂ©crite dans le livre police, justice, media fonctionne comme un storytelling conjoint, contre-modĂšle du roman qui, lui, dĂ©plie temps, lieux et les identitĂ©s qui pourraient servir de repĂšres trop immĂ©diats. GĂ©nĂ©alogies identitaires — Il faudra bien lui donner un nom. Quel nom ? Angelika l’a regardĂ©e Ă©tonnĂ©e. — Un nom ? 
 — Il lui faut un nom comme aux autres, mĂȘme les meubles s’appellent table ou chaise. Claustria, p. 337-338 L’écrivain refuse l’informel immĂ©diat du fait divers mĂ©diatique et, dans Claustria, sa fictionnalisation par la police et la justice. Et c’est dĂšs le nom de l’auteur qu’est Ă©noncĂ© un autre rapport du rĂ©el au roman. RĂ©gis Jauffret devient protagoniste du rĂ©cit, figurant la ligne de partage des faits et de la fiction, auteur et personnage d’un RĂ©gis Jauffret par RĂ©gis Jauffret. Il est celui qui mĂšne une enquĂȘte littĂ©raire aprĂšs l’enquĂȘte policiĂšre et la procĂ©dure judicaire dĂ©guisĂ© en infirmier il rencontre Roman et diffĂ©rents acteurs de l’affaire experts, commissaire gĂ©nĂ©ral de la Basse-Autriche, visite la maison de Fritz, la cave, se rend dans le bordel que frĂ©quentait Fritzl. Cet autoportrait est souvent ironique et cocasse, annonçant la veine de La Ballade de Rikers Island Jauffret est celui qui renverse du cafĂ© sur sa chemise, il accumule les fautes de goĂ»t vous m’avez fait honte » lui dit Nina, il ne comprend rien Ă  l’allemand et prend les Kinder enfants pour des Ɠufs en chocolat. Cette reprĂ©sentation de soi en Buster Keaton de l’enquĂȘte est un garde-fou, un refus de l’esprit de sĂ©rieux, une ironie et une forme de respiration dans un roman Ă©touffant, ce que met en abyme une rencontre de Jauffret avec avec le psychiatre chargĂ© de suivre Fritzl, Klaus Nert. L’homme demande le passeport de l’écrivain aprĂšs avoir lu son pedigree sur Internet ». Il a hochĂ© la tĂȘte pour me signaler que j’étais bien moi. Je lui ai fait remarquer qu’on ne pouvait malgrĂ© tout jamais ĂȘtre certain de se trouver en prĂ©sence de la personne supposĂ©e ĂȘtre en face de soi ». Personnage de fiction d’un auteur qui porte le mĂȘme nom que lui, RĂ©gis Jauffret est celui que tout le monde prend pour un cinglĂ© », une rĂ©putation qui l’affranchit de toute mesure ou limite dans son enquĂȘte. Claustria est un roman des noms, dĂšs celui de l’auteur, dĂšs son titre — nĂ©ologisme dĂ©rivĂ© d’un nom propre, Autriche en anglais, Austria — ou le nom du personnage principal, Joseph Fritzl, le seul avec RĂ©gis Jauffret Ă  conserver son Ă©tat civil rĂ©el. Ceux des autres personnages ont Ă©tĂ© changĂ©s et Claustria fait de leur symbolique un rĂ©cit, narre changements d’identitĂ© et anonymat forcĂ©. MĂȘme le poisson rouge aura un nom, Niedlich mignon », en français qui survivra Ă  la cave et le dĂ©tergeant Ă  la papaye si cruel envers les souillures que son inventeur l’a intitulĂ© Attila ». Le canari s’appelle Titi, comme dans le dessin animĂ©. Les noms sont partout dans le roman, certains sont attestĂ©s, non fictionnalisĂ©s et exhibĂ©s, comme celui de Joseph Fritzl, baptisĂ© Joseph comme son pĂšre », dont le prĂ©nom dit une ligne incestueuse. D’autres ont Ă©tĂ© modifiĂ©s — l’aĂźnĂ©, Kirsten, devient Petra —, certains sont accessoires, servant Ă  dĂ©signer des enfants qui ne sont pas dĂ©clarĂ©s Ă  l’état-civil et dans la cave, on n’avait aucun besoin de s’appeler. Il n’y avait pas assez de place, on Ă©tait toujours Ă  cĂŽtĂ© l’un de l’autre, on Ă©tait toujours lĂ . Quatorze ans plus tard les enfants libĂ©rĂ©s mettraient longtemps Ă  rĂ©pondre Ă  leur nom ». D’autres sont commentĂ©s dans le roman, comme celui de Martin Stefan dans le fait divers rĂ©el, Fritzl le surnomme le rĂŽti, avant de finir par l’appeler Martin, le nom du garage situĂ© en face de la mairie d’Amstetten », joli prĂ©nom », plus Ă©lĂ©gant » en tout cas que Scheinebraten ». Le choix des prĂ©noms donnĂ©s aux personnages en lieu et place de leurs identitĂ©s rĂ©elles est souvent symbolique Elisabeth devient Angelika, Felix sera Roman — ce n’est pas Romand, le patronyme rĂ©el et pourtant si symbolique de L’Adversaire, c’est peut-ĂȘtre un clin d’Ɠil au fait divers comme au roman de CarrĂšre, c’est de toute façon le choix d’un soulignement de la part romanesque et fictionnelle de Claustria, puisque Roman est le premier personnage de l’affaire que l’on croise dans le roman. Angelika aurait prĂ©fĂ©rĂ© Richard mais elle ignorait que c’était le prĂ©nom du gĂ©nĂ©ral SS qui avait eu la haute main sur l’Autriche au temps du nazisme », il pourrait s’appeler Adolf — un enfant nĂ© dans une cave comme son homonyme Ă©tait mort dans un bunker », ce sera Roman, c’est joli » et c’est lui qui ouvrira la temporalitĂ© du rĂ©cit. Il s’agit toujours, dans le choix des prĂ©noms, de remonter Ă  une histoire familiale, de faire signe vers la gĂ©nĂ©alogie. L’aĂźnĂ©e des enfants de Fritzl s’appelle Anneliese comme sa mĂšre » ; Julius porte le nom du grand-pĂšre de la grand-mĂšre d’Angelika. Le prĂ©nom a Ă©tĂ© choisi par Angelika, le besoin irrĂ©sistible de lui donner un nom de hĂ©ros, de demi-dieu, d’imperator », inspirĂ© par un pĂ©plum vu la veille avec Laurence Olivier dans le rĂŽle de Jules CĂ©sar. Quant Ă  la femme de Fritzl, Rosemarie, elle est Anneliese dans Claustria, prĂ©nom dans lequel on peut reconnaĂźtre le français lire » ou l’allemand lesen » elle est celle qui n’a pas vu ou lu les signes, remarquĂ© le manĂšge de son mari charriant les victuailles et remontant les poubelles », qui a adoptĂ© sans sourciller les enfants de sa propre fille, a servi de geĂŽlier Ă  sa belle-mĂšre » pendant 21 ans, une femme dont le prĂ©nom, Annette est cousin » du sien. Les prĂ©noms des enfants disent tous une gĂ©nĂ©alogie incestueuse, une logique du temps biaisĂ©e, ils sont inspirĂ©s par l’histoire familiale ou les pires heures de l’Autriche, un film, voire un garage
 RĂ©gis Jauffret ne les a pas modifiĂ©s pour prĂ©server l’anonymat des victimes et dĂ©signer le seul coupable par son nom. Rosemarie Fritz est coupable pour le romancier, son prĂ©nom n’en est pas moins changĂ©. Et l’anonymat n’existe pas pour les victimes de faits divers Angelika Elisabeth a changĂ© d’identitĂ© aprĂšs le procĂšs, un an plus tard son nom et sont lieu de rĂ©sidence ont Ă©tĂ© divulguĂ©s Ă  la rĂ©daction d’un tabloĂŻd anglais qui a dĂ©pĂȘchĂ© une Ă©quipe ». Faire de l’identitĂ© des protagonistes des faits divers — tout en gardant le nom de l’affaire comme effet de rĂ©el et grille de lecture — est une maniĂšre de forcer le lecteur Ă  se repĂ©rer dans une gĂ©nĂ©alogie d’autant plus complexe qu’elle est redondante, divisĂ©e entre le haut de la maison et la cave. L’Autriche ou le refus de l’Histoire C’est un fait divers qui ne reflĂšte en rien l’image que nous nous faisons de notre pays » Le commissaire gĂ©nĂ©ral Claustria, p. 35 C’est une affaire typiquement autrichienne 
 La mĂ©moire des Autrichiens s’envole au premier coup de vent 
 Notre pays est trĂšs mystĂ©rieux. Tout le monde est aveugle et sourd » L’avocat de Joseph Fritzl Claustria, p. 89 Ce n’est pas l’Autriche en tant que pays qui sert de cadre Ă  Claustria, comme l’indique le titre du roman c’est un pays dĂ©signĂ© par son nom en langue anglaise, une rĂ©gion et une ville particuliĂšres dans leur lien Ă  la dĂ©couverte de la cave ». L’Autriche n’est pas un lieu mais un personnage du roman, dotĂ© d’une psychologie un pays mĂ©fiant », 64 et le miroir d’un criminel, Fritzl, que le monde entier prenait pour l’Autriche ». C’est plus encore un temps et une histoire, l’archive de moments. L’Autriche telle que l’affaire Fritzl la rĂ©vĂšle est un espace qui Ă©touffe d’un sentiment de culpabilitĂ©, d’une honte qui remonte de son sous-sol la cave du fait divers est une poche de cauchemar sous la terre autrichienne » de mĂȘme que l’Autriche est accusĂ©e d’abriter encore dans son sous-sol des poches de nazisme ». C’est bien le poids et les strates de l’Histoire autrichienne, une durĂ©e, un Temps du RĂ©cit que le fait divers figure. Et pour le dire, il faut aller l’image que l’Autriche veut donner d’elle-mĂȘme, sa reprĂ©sentation officielle — Vienne est comparĂ©e Ă  un dĂ©cor d’opĂ©ra », c’est une ville 
 oĂč l’on attend perpĂ©tuellement l’instant oĂč le rideau se lĂšvera » et Joseph Fritzl, dans le rĂŽle titre, sortant de prison, est un vieillard au visage comme un rideau affaissĂ© » 36, Le procĂšs est une parodie judiciaire ». Tout est pris dans un ample mouvement carnavalesque, tel que Bakhtine l’a dĂ©fini, une satyre amĂšre, celle de la perte des valeurs, vers l’absurde, le monstrueux, le non sens, le refus de dĂ©plier ces strates du passĂ©, mise sous les yeux de tous par le roman, ce qui sera Ă©videmment jugĂ© scandaleux par l’Autriche lorsque Claustria y sera traduit et publiĂ©. L’affaire est une scĂšne judiciaire le procĂšs, la mise en scĂšne du fait divers comme historique, avec les strates d’un temps littĂ©raire les rĂ©fĂ©rences aux contes, aux frĂšres Grimm et artistique, d’abord, liant l’affaire et les artistes du pays, celui de pervers comme Egon Schiele ou Sigmund Freud » 168. Dans un entretien filmĂ© avec Nelly KapriĂšlian, RĂ©gis Jauffret explique Ă  la journaliste avoir Ă©tĂ© frappĂ© par la concomitance de deux faits divers autour de caves », Ă  deux ans d’intervalle l’affaire Kampusch puis l’affaire Fritzl. Il s’est alors demandĂ© s’il y aurait d’autres dĂ©couvertes terribles, pourquoi l’Autriche est ainsi dĂ©passĂ©e par son sous-sol, comme si quelque chose remontait du fond des Ăąges, des dĂ©mons, une malĂ©diction. D’oĂč sort cette cave de l’inconscient autrichien ? ». Il mettra cette remarque dans la bouche de l’avocat de Fritzl il faudrait peut ĂȘtre que la police songe Ă  fouiller toutes les caves du pays. Qui sait si certains concitoyens n’y sont pas enfermĂ©s depuis trente ou quarante ans ? Il y a mĂȘme peut-ĂȘtre des vieillards qu’on a enfermĂ©s enfants avant-guerre ? 
 Imaginez, monsieur Fritzl, tout un pays souterrain, une armada de caves », des archives de l’horreur Ă  exhumer
 RĂ©gis Jauffret dit aussi avoir Ă©tĂ© frappĂ© une remarque de Nina l’Autrichienne qui l’accompagnait durant son enquĂȘte sur les lieux de l’affaire, lui expliquant que la France est la patrie de Sade, l’Autriche celle de Sacher-Masoch, un pays est celui d’une conscience tourmentĂ©e, coupable. Et c’est cette ambivalence autrichienne que sonde Jauffret, dĂšs les premiĂšres pages du livre Fritzl, fier que sa maison soit entrĂ© dans l’histoire, la publicitĂ© que cette affaire fait Ă  la ville, l’escalope de porc d’un restaurant proche du palais de justice rebaptisĂ©e Wiener Fritzl sans que l’on sache si c’est une maniĂšre d’insulter le criminel ou de permettre aux clients de se repaĂźtre du dĂ©licieux frisson de mĂącher une lamelle du corps de l’ogre », le sinistre tourisme qui avait semblĂ© se dĂ©velopper un temps autour d’Amstetten ». Une histoire de l’Autriche rĂ©vĂšle ses contours depuis ce fait divers, sinistre rĂ©pĂ©tition de l’affaire Kampush Ă©voquĂ©e page 94. Comme le souligne son avocat, Fritzl n’est pas le premier Ă  avoir eu cette idĂ©e en 2006, Natascha Kampusch s’était enfuie de la cave de GĂ€nserndorf oĂč son ravisseur l’avait tenue sous cloche entre l’ñge de dix et dix-huit ans. Une ville situĂ©e Ă  une heure et demie de route d’Amstetten ». Fritzl tient Ă  rĂ©tablir une forme de vĂ©ritĂ© historique, il a eu l’idĂ©e le premier ». L’avocat doit l’admettre, le ravisseur n’était pas son pĂšre, il ne lui a pas fait d’enfant », l’a mĂȘme emmenĂ©e skier, un drĂŽle de geĂŽlier ». Fritzl se sent unique ». Pourtant il n’est que le punctum d’un pays dont le roman feuillette l’histoire Vienne capitale de l’ancien Empire austro-hongrois », ses rues dans lesquelles plane le fantĂŽme d’Hitler, des terres dĂ©trempĂ©es de nostalgie ». D’ailleurs l’avocat de Fritzl a, dans le passĂ©, fait acquitter des nĂ©onazis et dans sa plaidoirie il aura cette saillie, pourquoi ne pas accuser mon client d’avoir aidĂ© Hitler Ă  prendre le pouvoir du temps oĂč il gigotait dans les couilles de son pĂšre ? ». La peste brune n’est pas morte
 L’ingĂ©nieur Fritzl rĂȘvait d’inventer une nouvelle race de bĂ©ton » de la mĂȘme maniĂšre qu’il aime l’idĂ©e de multiplier sa descendance », son petit peuple de la cave » est un nouveau projet nazi. Son procĂšs est assimilĂ© Ă  celui de Nuremberg et lorsque Jauffret, visitant la cave dans le roman, passe Ă  cĂŽtĂ© de la chaufferie, ce lieu oĂč Fritzl a brĂ»lĂ© le cadavre de l’un de ses fils », il parle d’un four crĂ©matoire prosaĂŻque ». L’Autriche, telle que RĂ©gis Jauffret la reprĂ©sente dans le roman, s’accommode de toutes les strates de son passĂ©, ne rĂšgle rien. La rĂ©alitĂ© nous a toujours déçus. La chute de l’Autriche-Hongrie, le IIIe Reich avec cette Shoah dont on n’a pas fini de nous rabattre les oreilles ». Sur ces strates, la chape du silence on prĂ©fĂšre ne pas voir, tout rĂ©gler entre soi, ne rien laisser filtrer, autre sens du mot claustration du titre. Ainsi lorsqu’en 1994, Angelika tente de fuir. Elle sort de la cave, croise le chauffagiste, s’agrippe Ă  lui. L’homme fuit, laisse Angelika Ă  son enfer, croit Ă  une hallucination, en parle Ă  sa femme et tous deux dĂ©cident que rien ne s’était passĂ© ». Ils partent au ski. Le jour de la dĂ©couverte de la cave, le couple a Ă©changĂ© un regard ». En Autriche, on se fout complĂ©tement de la vĂ©ritĂ©. On veut juste trouver un compromis pour calmer le jeu, pour essayer d’arranger tout le monde. La rĂ©alitĂ©, c’est bon pour les touristes, nous on prĂ©fĂšre nĂ©gocier et mettre de cĂŽtĂ© les preuves qui nous feraient du mal. 
 Notre peuple a assez souffert, la vĂ©ritĂ©, la rĂ©alitĂ©, vous l’appelez comme vous voulez, tous ces machins nous ont causĂ© assez de tort, on les fuit comme la peste ». Alors tout le monde se tait, mĂšre et fratrie silencieuses, complices, veules », le frĂšre Christof qui sert pourtant de factotum, l’amie, le petit ami mais aussi les enseignants, les services sociaux, la police aprĂšs la plainte d’une prostituĂ©e. Tout le monde se tait, les dossiers et piĂšces Ă  conviction sont dĂ©truits, les nazis ne laissaient pas d’archives derriĂšre eux. Nous avons gardĂ© cette ingĂ©nieuse habitude », les liens sont soulignĂ©s par l’adjectif, faisant retour sur la profession de Fritzl, ingĂ©nieur. Le procĂšs de Fritzl c’est aussi l’Autriche accusĂ©e », l’Autriche du passĂ© et celle qui, dans l’actualitĂ© refuse la dĂ©mission d’un ministre accusĂ© d’ĂȘtre un ancien officier SS ». L’histoire la famille Fritzl peut ĂȘtre lue Ă  l’échelle d’un pays comme celle de la mĂšre de l’ogre victime du nazisme » et de l’Anschluss. La ville d’Amstetten est liĂ©e au nom sinistre du camp nazi de Mauthausen-Gusen 45 — ce sont les chiffres tatouĂ©s par les nazis sur le bras de la mĂšre, Ă  Mauthausen, qui ouvrent la cave, lien du prĂ©sent au passĂ© via un code, la cave est la rĂ©plique souterraine et contemporaine du camp d’extermination. Mais son concepteur est tout autant capable de dĂ©plorer le nazisme qui a frappĂ© sa famille que de justifier l’action d’Hitler, l’histoire ne lui est rien. C’est ce que Jauffret lit dans la grande tapisserie syncrĂ©tique » de la salle d’audience qui est le fatras » de tout ce que l’Autriche a connu l’aigle, marteau et faucille, crucifix, toute une bimbeloterie disparate, l’expression d’une volontĂ© de ne froisser personne, de tenir compte du fatras historique, des idĂ©ologies comme des superstitions. Un pays qui aprĂšs-guerre avait dĂ©cider de s’accommoder de ses anciens nazis, du communisme cher aux SoviĂ©tiques qui l’ont occupĂ© pendant plus de dix ans, de l’économie libĂ©rale, et mĂȘme Ă  l’occasion des droits de l’homme » 78-79. C’est le fait divers qui sert de rĂ©vĂ©lateur Ă  cette fable de l’Histoire, qui vient faire exploser la chape de silence, elle est, dans le roman, ce qui vient manifester la multiplicitĂ© du prĂ©sent et son dĂ©chirement » Ricoeur, Temps et rĂ©cit. The myth of the cave Nombreuses sont les fables » du roman, toujours au sens de mensonges, en lien avec cet accusĂ© si fabuleux ». La fable , c’est le storytelling du monde, ces fictions pour modifier la signification d’un rĂ©cit, faire taire les faits tĂȘtus, offrir une fiction alternative, comme la version officielle que police et justice servent aux medias. C’est le duo de conte de Grimm que forment le criminel et son avocat Fritzl et Gretel dans Claustria. C’est Petra, un mystĂšre » comme Kaspar Hauser » 207. L’avocat voit dans ce fait divers une glorieuse Ă©popĂ©e dont il Ă©tait dĂ©sormais l’un des hĂ©ros », il narre avec lyrisme l’histoire de la cave comme une odyssĂ©e ». Pour le peuple de la cave, c’est le monde au-dessus qui est fable, tel que Fritzl le raconte Ă  Roman, le prenant sur ses genoux pour lui raconter la vie d’en haut. Un conte de fĂ©es qui ressemblait aux images de la tĂ©lĂ© » — aprĂšs tout, on disait bien que les images des premiers pas de l’homme sur la lune avait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es dans un studio de Los Angeles ». DĂšs la page 12, Jauffret dĂ©signe la maison de Fritzl comme la maison de l’ogre ». Des annĂ©es plus tard, l’ensemble de cette histoire Ă©culĂ©e » semble avoir des personnages aussi fantomatiques que ceux d’un conte de Grimm ». Le pays minuscule et clos du peuple de la cave » est une Ă©pouvantable caverne qui comme celle d’Ali Baba s’ouvrait avec un sĂ©same ». C’est le mythe d’Adam et Eve revu et corrigĂ© par la folie d’un homme, un inceste naturel remontant jusqu’à l’origine de l’humanitĂ© ». L’autre rĂ©cit biblique convoquĂ© dans Claustria est l’arche de NoĂ© Fritzl aurait voulu faire de la cave une arche de NoĂ©. Des Ă©chantillons de toutes les espĂšces animales de peu d’envergure. Au bout du compte une arche chiche » , les rats, le poisson, un canari. Et, dĂšs les premiĂšres pages du roman, le mythe qui unifie toutes ces histoires alternatives, tout cet attirail culturel dĂ©voyĂ© est celui de la caverne, traduit, the myth of the cave » parce que le mot anglais pour caverne donne Ă  lire le français cave » et fait donc le lien entre le fait divers et Platon. L’allĂ©gorie de la caverne est fondamentale dans la genĂšse de ce livre, Jauffret n’a cessĂ© de le souligner en entretien il s’est dĂ©cidĂ© Ă  Ă©crire sur l’affaire Fritzl en entendant parler Ă  la radio de ces trois enfants remontĂ©s Ă  la surface qui n’avaient connu le rĂ©el qu’à travers la tĂ©lĂ©vision, donc via sa reprĂ©sentation et des images, comme les ombres portĂ©es sur les parois de la caverne dans le mythe grec. Il a perçu la valeur de parabole de ce fait divers, il est la rĂ©actualisation de Platon. Le mythe a traversĂ© vingt-quatre siĂšcles avant de s’incarner dans cette petite ville d’Autriche avec la complicitĂ© d’un ingĂ©nieur en bĂ©ton et celle involontaire de l’Ecossais John Bairs qui inventa le premier tĂ©lĂ©viseur en 1926 ». Vingt-quatre siĂšcles » comme les vingt-quatre annĂ©es » passĂ©es dans la cave par Angelika, toujours ce chiffre qui est le Temps du RĂ©cit. Dans un entretien donnĂ© aux Inrockuptibles, RĂ©gis Jauffret renvient en dĂ©tail sur ce mythe J’ai tout de suite pensĂ© Ă  la caverne de Platon. Il y a des gens qui sont nĂ©s lĂ -dedans, qui n’ont jamais rien vu d’autre, et il y avait les ombres portĂ©es puisqu’il y avait la tĂ©lĂ©vision. Platon, au fond, parlait de ça ». La tĂ©lĂ©vision est selon lui le personnage principal » du livre. Sans elle, ils n’auraient peut-ĂȘtre pas survĂ©cu. Sans elle, je n’aurais pas pu Ă©crire » elle permet Ă  Angelika et Ă  ses enfants de vivre en parallĂšle avec le temps du dehors, participant fictivement Ă  la marche extĂ©rieure du monde, elle est l’écran qui rythme ce temps infini de vingt-quatre ans, une chronologie privĂ©e — quand Fritzl offre un chien, comme Ă  la tĂ©lĂ© » — et collective — Quand le 11 septembre Angelika a vu les tours jumelles s’effondrer, elle s’est mise Ă  espĂ©rer qu’il pleuve des Boeing sur les villes et les campagnes du monde entier. Que l’humanitĂ© rescapĂ©e se trouve enfoncĂ©e sous terre et mĂšne comme elle une vie de cave ». Elle est aussi, dans la diĂ©gĂšse du roman, l’espace des informations tout autour du monde, avec tous les satellites qui transmettent depuis l’Autriche. La tĂ©lĂ©vision est ce qui relie l’espace intĂ©rieur et confinĂ© la cave au monde extĂ©rieur, un personnage central du roman, comme le montre l’illustration choisie pour la couverture du livre en Ă©dition de poche ou l’attention que Jauffret porte au bahut sur lequel reposait la petite tĂ©lĂ© » quand il descend dans la cave il dĂ©crit, dans le roman, l’installation de la tĂ©lĂ©vision aux pages 367-368, le retrait de l’appareil en juin 1997, son retour en aoĂ»t 1997, etc.. C’est par la tĂ©lĂ©vision, lieu de la mise en abyme, que s’inscrit une chronologie Ă  la fois dans la trame large du roman et dans celle du rĂ©cit encadrĂ©, le rĂ©cit de la cave, non plus seulement rĂ©cit encadrĂ© ou enchĂąssĂ© comme on le dĂ©signe en narratologie mais rĂ©cit concrĂštement enterrĂ©, proprement encavĂ©. Et c’est par elle que se termine ce rĂ©cit dans le rĂ©cit, avec la fin des 24 annĂ©es de claustration Angelika regardait la tĂ©lĂ©vision dans sa chambre. Elle a vu le premier appel que le mĂ©decin-chef a lancĂ© en direct Ă  l’heure des infos ». Il veut examiner la mĂšre pour comprendre de quoi souffre la fille. Fritzl veut d’abord laisser mourir Petra, il finira par cĂ©der. Le souterrain autrichien rappelle toute une littĂ©rature des caves, terriers et souterrains, un imaginaire des dessous, Balzac, Hugo et le livre fondateur, L’Enfer de Dante et ses cercles — Jauffret le mentionne explicitement page 84. Claustria, dans sa structure en spirale, rappelle ce mĂȘme Enfer, comme architecture et effet du texte, descente toujours plus profonde dans les abĂźmes de l’horreur. Le lecteur doit passer par des sas de dĂ©compression, comme les prisonniers de la cave au moment d’en sortir, auxquels Il fallait un caisson de dĂ©compression. Ils Ă©taient comme des plongeurs remontĂ©s trop vite des profondeurs ». Une remontĂ©e trop rapide et illusoire, dans les premiĂšres pages du roman, puisque tout le rĂ©cit revient Ă  y redescendre et y demeurer, dans l’infini de ces 24 annĂ©es. La cave est aussi Le Terrier 1923 de Kafka, rĂ©fĂ©rence implicite, souterraine, de Jauffret puisque c’est ainsi que Jauffret la dĂ©signe Ă  plusieurs reprises, le terrier oĂč il allait bientĂŽt propager son espĂšce », cet infernal terrier », en une formule qui apparie Dante et Kafka. Dans le rĂ©cit de Kafka, un narrateur mi homme mi bĂȘte, une crĂ©ature, entreprend de construire une demeure parfaite pour se protĂ©ger de ses ennemis invisibles. Son terrier est un labyrinthe souterrain, comme la maison de Fritzl avec ses portes, toujours des portes » et ses marches, un vĂ©ritable labyrinthe. Lorsque Jauffret la visite, elle est dĂ©sormais le royaume d’un peuple de rats qui peuvent se reproduire paisiblement » depuis que les humains ont quittĂ© le lieu, ils devaient se nicher bien Ă  l’abri dans un terrier qu’ils agrandissaient au rythme de leur prolifĂ©ration. Ils se nourrissaient des fils Ă©lectriques et du matelas de l’inceste ». Ce peuple de rats est la rĂ©plique, dans le rĂšgne animal, du projet monstrueux de Fritzl, lui-mĂȘme bestial, il rejoignait les babouins, ces grands primates dont les mĂąles alpha battent, violent, et tuent parfois les soumis de la tribu ». La cave est un territoire, elle a son petit peuple », fondĂ© par son autoproclamĂ© reproducteur transgĂ©nĂ©rationnel », elle est un espace confinĂ©, coupĂ© du monde, avec son air et son odeur, ses lois — lĂ  Fritzl est pĂšre » et amant » —, son patois » et son autre langue dĂ©rivĂ©e, celle que parlent exclusivement Petra et Roman, contaminant de ses mĂ©taphores obscĂšnes la langue commune pour les protagonistes de l’affaire, ĂȘtre adulte, c’est choisir de faire son trou ». Elle est sous-sol et envers du monde extĂ©rieur, Ă  rebours monstrueux, thĂ©baĂŻde souterraine et peu raffinĂ©e. Fritzl dans son fantasme de puissance absolue le diagnostic de l’une des psychiatres a voulu fonder une nouvelle civilisation, une race »., son Herrensvolk. Claustria narre le mythe au sens de rĂ©cit fondateur monstrueux conçu par Fritzl une morale dissoute », un pays souterrain » 94, une terre inconnue dont lui seul possĂ©dait la carte » et dont il serait le despote. Comme des Esseintes dans A Rebours, Fritzl tente de former un criminel. Il partage alors la cellule d’un jeune dĂ©linquant dont il tenterait en vain de faire un fils spirituel Ă  force de lui prĂ©senter sa vie comme un exemple. — Un jour, l’Autriche reconnaĂźtra mes valeurs ». L’émule serait fils spirituel, poursuite du projet incestueux, comme la famille du bas » devait ĂȘtre la rĂ©plique de celle du haut » — Il lui arrivait de rĂȘver que Petra prendrait la suite d’Angelika et lui donnerait aussi six enfants dont une paire de jumeaux » — non plus selon une architecture verticale haut/bas mais horizontale et expansive de sa cave Ă  celles de ses Ă©mules. Son projet infĂąme est un rĂ©cit du temps, Roman est dĂ©signĂ© pour lui succĂ©der, comme un roi bizarre qui dĂ©signerait le prince destinĂ© Ă  engrosser sa sƓur dans un pays oĂč il n’y avait pas d’autre femelle en Ăąge de procrĂ©er. 
 AprĂšs sa mort, son Ɠuvre aurait une pĂ©rennitĂ©. La cave comme une Ă©troite principautĂ© oĂč les sujets s’escaladent pour respirer ». Mais le trĂŽne » du despote est scatologique, Ă  la mesure de cette expansion souterraine, le souverain sur son trĂŽne » siĂšge sur la cuvette des toilettes ». Le rĂȘve de despote de Fritzl est territorial, une conquĂȘte de l’espace, la quĂȘte d’un Lebensraum de sinistre mĂ©moire, Anschluss et Drang nach Osten, puisque toute la mythologie de Fritzl est hĂ©ritĂ©e du nazisme. Il achĂšte acheter des petits morceaux d’Autriche en investissant dans l’immobilier ». Chaque naissance, comme celle de Roman, s’accompagne d’un rĂȘve de conquĂȘte immobiliĂšre et d’extension de la cave. Angelika a fini par penser avoir Ă©tĂ© simplement la pionniĂšre d’une nouvelle civilisation ». Fritzl, lui, espĂšre que sa cave sera cĂ©lĂšbre parmi les anthropologues. Des livres entiers consacrĂ©s Ă  ce mode d’existence que mĂȘme les hommes des cavernes n’avaient pas connu ». et
 elle aurait mĂȘme dĂ» ĂȘtre prolongĂ©e, selon l’avocat qui fait visiter la maison Ă  Jauffret, lui montrant sacs de ciment, peinture et briques il devait projeter de creuser encore une annexe. Angelika comptait peut-ĂȘtre avoir bientĂŽt des triplĂ©s, sans compter que sa fille Ă©tait en Ăąge de s’y mettre aussi. Il en aurait fallu de l’espace pour loger toute cette smala ». L’espace se dĂ©multiplie — depuis ses 55 m2, comme le temps de dĂ©ploie depuis les 24 annĂ©es de rĂ©clusion —, elle est une serre poaque Ă  sept pieds sous terre et la terre qui continue Ă  tournoyer dans l’espace », elle est une sorte de station spatiale » ; le lieu sera rĂ©pliquĂ© Ă  l’extĂ©rieur par les sauveteurs pour aider les prisonniers Ă  s’habituer au monde extĂ©rieur au moment de leur sortie mais bien avant les prisonniers avaient rĂ©flĂ©chi Ă  en faire une serre, avec des cultures, pour la rendre autonome, ne plus ĂȘtre soumis aux dikats du pĂšre et parallĂšlement Martin veut fonder son propre empire, rĂȘve d’un instant que Fritzl noie dans un bain de sang ». Et, assomption mĂ©diatique du myth of the cave, elle aurait pu devenir un studio de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, Fritzl avait achetĂ© des webcams pour surveiller la vie souterraine, aucun angle mort. La cave est aussi cercueil », sauna » et labyrinthe », des parasynonymes qui en font un lieu protĂ©iforme, un espace autour duquel tourne le discours,. Elle est un lieu mythique, l’espace de naissance du langage — celui si Ă©trange des habitants de la cave Ă©tudiĂ© par des linguistes et psychologues, celui de la naissance de Roman et du roman, celui de Petra qui reprend son cahier et elle modifiait la rĂ©alitĂ© en la racontant. Le verbe a bien créé le monde », celui du rĂ©cit de Jauffret, mise en forme et fictionnalisation du fait divers qui dĂ©passe trĂšs largement ce simple cadre pour devenir une aventure de la langue et du sens. La cave est comme une autre civilisation, une nouvelle crĂ©ation du monde Une cave seule au monde, les Ă©vĂ©nements infimes du quotidien et la tĂ©lĂ©vision qui raconte peut-ĂȘtre au jour le jour l’histoire d’une civilisation disparue. Les Ă©metteurs survivants sur les hauteurs diffusant dans le vide les actualitĂ©s d’autrefois » puisqu’ une civilisation a eu le temps de l’écrouler au cours de ces vingt-quatre annĂ©es, cette Ă©ternitĂ© ». Les 24 annĂ©es sont myth of the cave, mythe au sens de mise en intrigue d’un tissu du temps, vaste poche littĂ©raire et rĂ©fĂ©rentielle de l’AntiquitĂ© Ă  aujourd’hui, aporie des heures, la mesure est celle des siĂšcles, de l’éternitĂ© — distensio est vita mea, aurait pu penser Angelika, comme Saint-Augustin commentĂ© par Ricoeur. L’éternitĂ© doit pourtant bien devenir temps du roman, chronographie » puisque le rĂ©cit se doit non d’ abolir » le temps mais de l’approfondir », hiĂ©rarchiser », dĂ©ployer selon des niveaux de temporalisation toujours moins distendus » et toujours plus tendus », non secundum distentionem, sed secundum intentionem » Écrire le temps Les mois, les annĂ©es. Le quotidien qui se reproduit, s’accumule. La mĂ©moire qui se perd dans la rĂ©pĂ©tition des jours, ne trouve plus de cases pour les ranger, baisse les bras. Elle confond les viols, les peurs, les famines et les naissances ont maintenant un air de famille. Claustria p. 435 Le temps est hors de ses gonds dans ce roman qui pour figurer l’aporie de la durĂ©e, sa butĂ©e, la manifeste par une uchronie RĂ©gis Jauffret fait le choix d’un Ă©cart maximal entre la date rĂ©elle de la dĂ©couverte du petit peuple de la cave », donnĂ©e dĂšs le second paragraphe du rĂ©cit ils en sont sortis le 26 avril 2008 », et celle de la diĂ©gĂšse, le aujourd’hui » de l’ouverture du livre. Les premiĂšres pages du roman placent le livre 47 ans aprĂšs l’histoire rĂ©elle, la datation se calcule Ă  partir de l’ñge Roman, donnĂ© en incipit A cinquante-deux ans, l’ancien gamin Roman Fritz Ă©tait le dernier survivant du petit peuple de la terre ». Le nom du personnage prĂ©nom modifiĂ©, patronyme rĂ©el comme la date impossible disent un rĂ©el transformĂ© par le rĂ©cit, ce aujourd’hui qui n’a de rĂ©fĂ©rent que dans la fiction l’enfant avait 5 ans en avril 2008, il a dĂ©sormais 52 ans. Les principaux protagonistes du fait divers sont morts — Anneliese, 17 ans aprĂšs l’affaire, Joseph Fritzl lui aussi, incinĂ©rĂ© en douce » pour qu’on ne puisse pas vendre ses cendres par petits sachets comme des doses de cocaĂŻne », Gretel tuĂ© d’une balle dans un supermarchĂ© par une fillette de 8 ans avec la maestria d’une petite frappe de sĂ©ries amĂ©ricaines » — ou vont mourir Angelika Ă  86 ans d’une pneumonie, deux ans avant la destruction de la maison d’Amstetten, aprĂšs avoir Ă©tĂ© frappĂ©e d’Alzheimer, maladie qui efface ses souvenirs de la cave, puis Roman dans son sommeil Ă  l’aube du siĂšcle prochain ». Si Claustria est pontuĂ© de dates prĂ©cises, c’est Ă  la maniĂšre de l’arbre gĂ©nĂ©alogique de Fritzl dont les noms ont Ă©tĂ© changĂ©s la chronologie perd le lecteur — la majoritĂ© des articles publiĂ©s Ă  la sortie du livre ont d’ailleurs manquĂ© l’uchronie
 —, elle n’est qu’un leurre, la dĂ©multiplication des dates allant de pair avec des temps du rĂ©cit eux-mĂȘmes out of joint, des futurs dans le passĂ© comme uchroniques, des prĂ©sents qui renvoient alternativement Ă  la temporalitĂ© de la cave ou Ă  celle du roman, des temps du passĂ© qui sont un palimpseste dĂ©signant autant une histoire antĂ©rieure collective et privĂ©e que notre prĂ©sent, puisque tout s’écrit depuis 2045. L’écriture du temps est aussi celle d’un Ă  venir, passĂ© pour la diĂ©gĂšse, en construction pour les lecteurs d’aujourd’hui et d’un futur proche. Quand Jauffret ouvre un paragraphe par un en mars », le lecteur doit relire les pages prĂ©cĂ©dentes pour tenter de se repĂ©rer dans la chronologie ou accepter de se plier Ă  l’immense durĂ©e sans repĂšre du roman. L’aprĂšs 2011, temporalitĂ© d’écriture finale de Claustria, c’est la maison d’Amstetten dĂ©truite un matin de dĂ©cembre », c’est Angelika, exilĂ©e en Suisse qui a gagnĂ© 25 millions de dollars en publiant ses MĂ©moires, des millions d’exemplaires vendus, presque autant de traductions que le monde comptait de langues », les multiples adaptations cinĂ©matographiques de son livre, certaines oscarisĂ©es ». Ce livre Ă©tait devenu la doxa de l’affaire, personne n’avait osĂ© relever les invraisemblances et les contradictions de l’affaire ». Dix ans plus tard, Roman a lui aussi publiĂ© un livre et touchĂ© un chĂšque Ă  cinq zĂ©ros » mais les ventes sont famĂ©liques », l’affaire a Ă©tĂ© oubliĂ©e. L’oubli est ce Ă  quoi Fritzl avait condamnĂ© sa femme comme sa fille. C’est la mĂ©thode des dictateurs, Angelika essayait mĂȘme de nier l’existence de son histoire ». Le roman met en abyme un oubli impossible en s’écrivant depuis ce demi-siĂšcle en excĂšs, seule maniĂšre d’écrire une durĂ©e non reprĂ©sentable, ces vingt-quatre annĂ©es, cette Ă©ternitĂ© », celle d’un condamnĂ© qui ne saura jamais s’il a Ă©copĂ© de la prison Ă  vie ou si l’heure de son exĂ©cution approche ». Dans la cave, le temps n’existe plus, rythmĂ© par les descentes de Fritzl, mais sans aucun repĂšre il revient plus tard. Il s’est Ă©coulĂ© une heure ou une journĂ©e », dans la valse sans axe des adverbes de temps Il revient souvent. Il ne revient plus. Elle pense qu’il ne reviendra jamais ». Quand Petra naĂźt, le 6 janvier 1989, Angelika n’avait aucun moyen de connaĂźtre le chiffre des annĂ©es et des jours ». A l’époque, pas de tĂ©lĂ©vision pour l’informer qu’une journĂ©e s’achevait, qu’une autre commençait. Le temps passait ailleurs, mais il n’y en avait pas dans la cave » ; Ni jour ni nuit. La clartĂ© lasse des ampoules ». Angelika ne parvient pas non plus Ă  dĂ©chiffrer la date du journal que lit parfois Fritzl dans la cave et n’y laisse jamais. Le temps obĂ©it aux dĂ©cisions d’un despote absurde, donner Ă  manger ou non, prendre l’enfant nĂ© ou pas, Ă©clairer la cave ou non. Aux pĂ©riodes de faim et d’agonie succĂšdent des jours d’abondance, sans aucune rĂšgle sinon le caprice. Le temps est d’autant plus infini qu’il est cyclique, rĂ©itĂ©ration de motifs claustration, inceste et viol, rĂ©pĂ©tition et retour du mĂȘme le monstrueux. La mĂšre de Joseph a enfermĂ© son fils, la nuit, dans un grenier. A son tour, il enfermera sa mĂšre, durant 21 ans. CondamnĂ© en 1967, il a fait 18 mois de prison, une expĂ©rience de cave » en quelque sorte, un cachot dont la lucarne grillagĂ©e laissait Ă  peine filtrer la lumiĂšre quand il faisait beau temps. Des soirĂ©es dans l’obscuritĂ©, des nuits noires. Au plafond, une douille sans ampoule ». Fritzl ,voyeur et exhibitionniste, a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© condamnĂ© pour viol en 1967 et fait 18 mois de prison. Il violera sa fille durant 24 ans comme il rĂȘvait de coucher avec sa propre mĂšre. Angelika est Annette pour lui je t’ai trop aimĂ©e, j’ai trop aimĂ© ma mĂšre, je n’y peux rien si vous vous ressemblez ». Il a violĂ© des prostituĂ©es et peut-ĂȘtre une sĂ©rie de jeunes filles il collectionnait les coupures de presse consacrĂ©es Ă  ses affaires non Ă©lucidĂ©s, n’en serait-il pas l’auteur ?. Le cercle vicieux a-t-il pu se transmettre Ă  Angelika ? Le doute est soulevĂ© lors de la rencontre de l’écrivain avec le psychiatre Klaus Nert. Jauffret lui demande si Fritzl a aussi abusĂ© des enfants de la cave. RĂ©ponse de Nert je ne peux rien vous dire sur les rapports d’Angelika avec ses enfants ». Il m’a semblĂ© qu’un soupçon dĂ©coulait de cette rĂ©ponse Ă  une question que je ne lui avait pas posĂ©e ». Un autre psychiatre dira ne pas avoir cherchĂ© Ă  savoir si Fritzl violait aussi les enfants d’Angelika, le roman rĂ©pond pour lui. Pour tenter d’apprivoiser le temps, Angelika a tentĂ© de faire des croix et depuis le dĂ©but de l’hiver 1989 elle tient un journal, notant les menus Ă©vĂ©nements de la cave » elle Ă©crivait une date qu’elle croyait approximative et qui en rĂ©alitĂ© n’était qu’imaginaire. Il lui arrivait de relire tout le cahier. Elle ne comprenait pas pourquoi le 15 septembre revenait deux fois aprĂšs le 13 octobre et le 1er janvier. Le temps comme un carrousel » ; A la place du jour, elle mettait un gros point d’interrogation avec un point comme une tĂȘte d’homme qui rit », dans une rĂ©fĂ©rence involontaire Ă  Victor Hugo, Ă©crivain des univers carcĂ©raux. Plus tard, quand elle aura la tĂ©lĂ©vision dans la cave, Angelika transcrira les journaux tĂ©lĂ©visĂ©s » une façon d’occuper le temps en devenant folle. Fixer les Ă©chos de la rĂ©alitĂ© faute pouvoir faire partie du rĂ©el ». Avec la tĂ©lĂ©vision, Angelika aura d’abord des dates. Le premier rĂ©veillon qu’elle suit Ă  la tĂ©lĂ© est celui de 1992. Elle s’est mise Ă  compter. Elle s’est aperçue qu’elle Ă©tait enfermĂ©e depuis sept ans et demi. Plus de deux mille sept cents jours. Elle croyait ĂȘtre sous terre depuis moins de quatre ans ». Mais Fritzl ne laisse pas la tĂ©lĂ©vision de maniĂšre continue il la coupe, l’enlĂšve en juin 1997, la remet en aoĂ»t, de mĂȘme que la lumiĂšre est intermittente, rien ne permet, dans la cave, de distinguer le jour de la nuit. Les repas ne sont pas plus des repĂšres chronologiques, les organismes du petit peuple de la cave sont totalement dĂ©rĂ©glĂ©s, leurs horloges biologiques Ă  jamais dĂ©traquĂ©es ». A l’image de ce lieu oĂč aucun soleil ne se levait pour donner une idĂ©e des points cardinaux », dans lequel on ne peut donc, comme Petra, que perdre le nord », le temps n’est plus que cette chronologie absurde, dissonante — comme l’écrit Jauffret de la lignĂ©e que veut fonder Fritzl, une absurditĂ© chronologique » —, Ă  laquelle le rĂ©cit en Ă©toile, volontairement en dĂ©sordre, ajoute un brouillage supplĂ©mentaire. Écrire cette histoire retombĂ©e dans les limbes, depuis l’immense futur d’un cinquante ans plus tard et cette rencontre avec Roman est d’abord une maniĂšre de souligner l’écart qu’imprime la fiction au rĂ©el, le prĂ©nom fictif de l’ ancien gamin » en Ă©cho au paragraphe liminaire rappelant que ce livre n’est autre qu’un roman ». L’uchronie n’est aucunement ici une maniĂšre de faire de Claustria un rĂ©cit de science-fiction, l’anticipation est symbolique, elle est prise dans le sens Ă©tymologique de ce nĂ©ologisme forgĂ© au XIXĂš siĂšcle pour dire un temps qui n’existe pas. Elle dĂ©signe un non temps, une pĂ©riode qui n’existe que dans et par sa mise en rĂ©cit. C’est une histoire alternative, reposant sur des Ă©vĂ©nements qui auraient pu arriver. Ce choix de ce futur est une acmĂ© de la fiction mais aussi une date palimpseste, quasi-centenaire de la fin de la seconde guerre mondiale, mentionnĂ©e comme une trouĂ©e du passĂ© lorsque la maison de l’ogre est dĂ©truite par une dĂ©flagration sous une averse de neige comme on n’en avait pas entendu ici depuis les derniers bombardements alliĂ©es de 1945 ». La cave est la poche » de l’histoire comme de la fiction, menacĂ©e par l’oubli, offerte Ă  un avenir par l’uchronie, pensĂ©e comme un mythe. Si le fait divers est le symptĂŽme d’une Ă©poque dans laquelle il s’inscrit pleinement, il devient transhistorique et atemporel. Le rĂ©cit est le temps, au livre de donner un sens Ă  cette durĂ©e impossible, une signification au histoire, qui justement Ă©chappe dĂšs le deuxiĂšme paragraphe du roman, invitant Ă  lire Claustria comme un rĂ©cit du temps La maison d’Amstetten a Ă©tĂ© revendue sept fois depuis qu’ils en sont sortis le 26 avril 2008 . Roman avait cinq ans ce jour-lĂ . Comme l’avait dit un jour son pĂšre a un voisin, elle est entrĂ©e dans l’histoire. — Quelle histoire ? » RĂ©gis Jauffret, Claustria, Points, 2013 2012, 552 p., 8 € 40 APPELEZ-NOUS +41 32 535 42 53 RĂ©server une chambre ACCUEIL MENU CHAMBRES GALERIE Notre histoire CONTACT ï»żQui Cabaret la porte de la cave ? vendredi soir Spectacle de Cabaret VendĂ©en Vendredi / samedi 8 et 9 Avril 2022 Ă  19h Le spectacle commencera Ă  20h Salle de l’AubĂ©pin, Rue de Saint Mars, Sigournais 20€ Cabaret et repas Menu du Ty kaz krĂ©ol restaurant » Sigournais Hors d’Ɠuvre crĂ©oles ; Rougail saucisses- riz et haricots rouges ; Moelleux ana... 8 avril 2022 1900 Sigournais 20€

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